V
L’INDOMPTABLE

Henry, le voiturier, tira légèrement sur les rênes lorsque les roues commencèrent à claquer sur les premiers pavés de l’arsenal.

— Il est là-bas, à l’ancre, commandant.

Il jeta un œil à son passager au profil bien marqué, incapable de comprendre comment quelqu’un, capitaine de vaisseau ou pas, pouvait bien accepter de prendre la mer.

Tyacke examina les eaux qui scintillaient. Il était surpris de se sentir aussi calme. Non, ce n’était pas cela. Il ne ressentait pas la moindre émotion.

En se tournant vers le quai, il vit avec soulagement que la Larne avait quitté son bassin, très certainement pour achever la remise en état du gréement. Il se demandait s’ils savaient qu’il était ici, si quelqu’un l’observait à la lunette. Il dit :

— Il y a des escaliers au bout du quai.

— Exact, commandant. Je vais m’assurer qu’il y a bien un canot pour vous prendre.

Oh que oui, songea-t-il. Même si l’armement avait été debout depuis l’aube. Tyacke avait lui-même pratiqué assez souvent la chose. Attendre le nouveau maître et seigneur, imaginer comment il allait être : l’homme qui allait régenter la vie de tout le monde, depuis le lieutenant de vaisseau le plus ancien jusqu’au dernier des mousses ; celui qui pouvait vous valoir une promotion, ou vous dégrader, vous faire donner le fouet et, si nécessaire, faire pendre quiconque ne se plierait pas à ses ordres.

Un léger frisson le traversa, mais il n’enfila même pas son manteau de mer. C’était une belle matinée, la mer était parsemée de moutons blancs qui dansaient, mais ce n’était pas la fraîcheur de l’air qui le faisait trembler. C’était le moment, ce moment qu’il avait tant redouté, en ce jour précis.

Il vit quelques petites gerbes s’élever et devina qu’il s’agissait du canot, il venait de larguer son corps-mort. Il était attendu.

— Merci, Henry.

Il déposa quelques pièces dans la main de l’homme tout en regardant le gros coffre de mer cerclé de cuivre. Ils avaient pas mal bourlingué ensemble depuis qu’il s’était remis de ses blessures. Tout son univers se trouvait dedans.

Était-il guéri ? Pas exactement. Il lui était impossible de ne pas s’en souvenir, chaque jour. Il voyait son image se refléter sur le visage des autres, l’horreur et la pitié qu’il y lisait le blessaient toujours autant.

Toute la nuit, il avait passé et repassé dans sa tête ce qu’il avait pu apprendre sur L’Indomptable. Il avait le crâne bourré, il allait éclater s’il ne se reposait pas. Tous les officiers étaient restés à bord pendant le carénage, même ce malheureux Laroche qui avait commis cette grosse bourde dans la salle de l’auberge. Le premier affrontement. Il y en aurait bien d’autres.

Il se concentra sur le vaisseau à l’ancre. Sans son pont supérieur d’origine et à cette distance, il ressemblait à n’importe quelle frégate. Comme la Walkyrie, avec le pont principal plus haut sur l’eau que pour les cinquième et sixième rangs, si bien que sa bordée dévastatrice pouvait faire un maximum de dégâts. Il examina le canot d’un œil critique, les avirons qui se soulevaient et retombaient comme des ailes. Et il conclut qu’Allday lui-même n’aurait rien trouvé à y redire.

Il fit volte-face pour dire quelque chose, mais la petite voiture avait disparu. Il ne restait que le coffre de mer. Le canot entama un arc de cercle serré et le brigadier crocha dans un anneau scellé sur les marches.

Après ce qui lui parut une éternité, un jeune enseigne de vaisseau grimpa les marches en courant et se découvrit avec un large sourire.

— Protherœ, commandant ! A vos ordres !

— Ah oui. Troisième lieutenant.

Le jeune homme haussa les sourcils, un peu surpris, et il crut une seconde que sa mémoire le trahissait.

— Enfin… oui, commandant !

Tyacke, délibérément, se déplaça un peu pour laisser paraître le côté brûlé de son visage. Ce qui eut l’effet escompté : Protherœ était tout pâle. Mais c’est d’une voix maîtrisée qu’il donna ses ordres, et deux marins accoururent pour prendre le lourd coffre.

Tyacke les regardait, ils détournèrent les yeux. Visiblement, Laroche avait fait de leur nouveau commandant un portrait assez sombre.

Protherœ surveillait l’embarquement du coffre, terrifié sans doute à l’idée qu’ils puissent le laisser tomber à l’eau. Celui-là, il était aspirant voilà encore pas bien longtemps, se dit Tyacke.

— Pouvons-nous y aller, monsieur Protherœ ?

L’officier regardait tout autour :

— Je cherchais votre maître d’hôtel, commandant.

Tyacke ne put se retenir de sourire.

— Vous savez, j’ai peur que le commandant d’un brick ne puisse pas s’offrir son propre maître d’hôtel !

— Je comprends, commandant.

Il s’écarta pour laisser Tyacke descendre les marches couvertes d’algues.

Et cela recommença, les regards furtifs de l’armement, les yeux qui le fuyaient chaque fois qu’ils croisaient les siens. Il alla s’asseoir dans la chambre, son sabre serré contre lui, comme il l’avait fait en quittant la Larne.

— Larguez ! Poussez devant ! Sortez !

Tyacke se retourna pourvoir l’eau qui s’élargissait sur l’arrière. Je pars. Et vers quoi ?

— Avant partout !

— Depuis combien de temps êtes-vous à bord de L’Indomptable ? demanda Tyacke à l’officier.

— Cela fait un an, commandant. J’ai embarqué à l’époque où il était encore au bassin et les travaux étaient presque terminés – il hésita : Auparavant, j’étais aspirant chargé des signaux à bord du Croisé, un trente-deux.

Par-dessus les larges épaules du nageur qui donnait la cadence, Tyacke voyait les mâts et les vergues grandir, comme s’ils émergeaient du fond de la mer. Maintenant, il pouvait apprécier la différence. Cent quatre-vingts pieds de longueur hors tout, quelque quatorze cents tonnes, l’important maître bau trahissait le fait qu’il avait été construit à l’origine pour la ligne de bataille. On avait légèrement modifié le plan de voilure, se dit Tyacke. Au largue et convenablement mené, il devait courir comme un cerf.

Il distinguait la pâle lumière du soleil qui se reflétait sur de nombreuses lunettes, les hommes gagnaient leurs postes.

A quoi allait ressembler son second ? Il avait peut-être espéré une promotion, peut-être même le commandement de ce puissant vaisseau une fois le carénage achevé. Le dernier commandant de L’Indomptable avait débarqué quelques mois plus tôt, laissant la responsabilité du bâtiment à son second jusqu’à ce que Leurs Seigneuries aient décidé ce qu’elles comptaient en faire. Et ils n’en avaient rien fait. Il serra plus fort son sabre. Sir Richard Bolitho avait décidé, lui. Il imaginait ce qui s’était dit. Qu’il en soit ainsi.

— Venez sur bâbord, monsieur Protherœ !

Il avait parlé d’un ton un peu sec, sans s’en rendre compte.

Tout en observant le long bâton de foc qui dardait sur eux comme une lance, il vit la figure de proue accroupie sous la guibre. Accroupie était le terme exact. Elle représentait un lion sur le point d’attaquer, ses deux pattes de devant dressées dans les airs. Une belle œuvre d’art, songea Tyacke, mais ce n’était pas la sculpture d’origine, qui aurait été bien trop imposante pour cette coque refaite. A l’exception de la gueule écarlate et des yeux étincelants, elle était dorée, une dorure de prix. Peut-être le don de l’un des architectes qui avaient transformé le vaisseau.

— Avancez, monsieur Protherœ.

Soudain, il avait hâte d’y aller, il avait l’estomac noué. Le canot contourna la coque vers les porte-haubans et la porte de coupée, là où il avait déjà aperçu les tuniques rouges des fusiliers marins. Mes fusiliers.

Il songeait à la frégate d’Adam, l’Anémone. Si on l’avait mise à contre-bord, elle aurait disparu.

Son œil entraîné notait tout, depuis la coque noir et marron qui luisait comme du verre au-dessus des moutons, jusqu’au gréement tout neuf, enfléchures et haubanage fraîchement repeints en noir, jusqu’aux voiles proprement ferlées, sans doute par les officiers mariniers en personne, pour l’occasion.

Une occasion importante pour nous tous, lui susurrait une voix.

Il fallait qu’il se trouve un maître d’hôtel. Un autre Allday, à supposer qu’il en existe. Dans ces circonstances, il lui serait bien précieux.

Le canot avait croché, avirons rentrés, les marins regardaient droit devant eux. N’importe où, pourvu que ce ne soit pas leur nouveau commandant.

Tyacke se leva en faisant attention aux mouvements, attendant le moment propice pour monter jusqu’à la coupée.

— Je vous remercie, monsieur Protherœ, je vous suis très obligé.

Il se saisit des mains courantes et escalada rapidement le rentré de muraille avant que la mer ait le temps de l’emporter.

C’était comme lorsqu’il avait quitté la Larne, les minutes semblaient sans fin. Quand sa tête émergea, l’explosion de bruits manqua le rendre sourd. Lorsque le sabre de leur officier s’abaissa, les mousquets des fusiliers, baïonnettes au canon, claquèrent sur le pont, suivis des trilles des sifflets de boscos et des battements de tambour. Puis le silence se fit.

Tyacke se découvrit pour saluer la dunette où les branles étaient impeccablement serrés dans les filets. Il remarqua que la roue et les habitacles des compas n’étaient pas abrités. Les architectes et les constructeurs ne voyaient pas plus loin que le rendement dans leur travail, ils ne voyaient pas les hommes abattus par les tireurs d’élite ennemis sans rien d’autre que des hamacs entassés pour les protéger.

Un lieutenant de vaisseau au visage taillé à la serpe sortit du groupe des officiers, aspirants et officiers mariniers. Deux des aspirants avaient l’air si jeunes que Tyacke se demanda comment on les avait autorisés à partir de chez eux.

— Je m’appelle Scarlett, dit le plus ancien des officiers – il hésita : Bienvenue à bord, commandant.

Il avait l’air sérieux. Quelqu’un digne de confiance… peut-être.

— Merci, monsieur Scarlett.

Il suivit le second le long des rangs, les officiers étaient alignés par ordre d’ancienneté. Protherœ avait même réussi à s’y faufiler pendant la brève cérémonie à la coupée.

Quatre officiers, dont ce malheureux Laroche. Leurs regards se croisèrent et Tyacke lui demanda froidement :

— Combien d’hommes avez-vous pris, monsieur Laroche ?

— Trois, commandant, réussit-il à bredouiller.

Il baissa la tête, s’attendant sans doute à ce que la mâture lui tombe dessus.

— Nous en trouverons d’autres. Je parie que tout Plymouth sait que vous battiez la campagne hier soir.

Et il avança, laissant l’officier totalement éberlué.

— Je vous présente Isaac York, commandant, lui dit Scarlett. Notre maître pilote.

Un visage avenant, l’air compétent : on aurait reconnu là un vieux marin, même s’il s’était déguisé en prêtre. Tyacke lui demanda :

— Depuis combien de temps êtes-vous maître pilote, monsieur York ?

Il était plus jeune que la plupart de ceux qu’il avait connus, des hommes qui sont de véritables personnages à bord des bâtiments.

Le visage de York s’éclaira d’un large sourire.

— Un an, commandant. Auparavant, j’ai été adjoint au maître à bord de ce vaisseau, pendant quatre ans.

Tyacke hocha la tête, satisfait de ce qu’il venait d’entendre. Un homme qui saurait comment manœuvrer le bâtiment par n’importe quel temps. A voir son visage, il devait avoir la trentaine, si ce n’est que ses cheveux coupés ras étaient grisonnants.

Ils retournèrent à la lisse de dunette, les aspirants attendraient.

Tyacke prit sa lettre de commandement dans son manteau. Il allait en donner lui-même lecture, comme on le lui avait prescrit.

— Faites rassembler l’équipage à l’arrière, monsieur Scarlett – mais il s’interrompit, et le second se raidit : Cet homme, près des chantiers.

Scarlett se détendit à peine.

— C’est Troughton. Il sert comme coq. Quelque chose qui ne va pas, commandant ?

— Faites-le venir.

Un aspirant partit en courant pour aller le chercher et la plupart des marins qui se trouvaient déjà sur le pont se tournèrent vers l’arrière. L’unijambiste, avec son long tablier blanc, s’avança en clopinant et gagna la dunette.

Tyacke le regardait intensément. Lorsqu’il était monté à bord, il avait bien senti que quelqu’un l’observait. Et il fallait que ce soit maintenant… Dans un silence impressionnant, il s’avança vers le cuisinier et posa les mains sur ses maigres épaules.

— Mon Dieu, Troughton, on m’avait dit que vous étiez mort.

L’homme le dévisageait, chaque trait après l’autre. Enfin, il s’arrêta sur les cicatrices, puis baissa les yeux sur sa jambe de bois et dit lentement :

— Ce jour-là, commandant, ils ont essayé de nous avoir tous les deux. Je suis si heureux que vous embarquiez à bord de ce vieil Indom. Bienvenue à bord !

Et ils se serrèrent solennellement la main. Ainsi, le vaisseau avait un surnom, se dit Tyacke. C’était presque un moment triomphal : quelqu’un avait survécu à cette horrible journée. Un jeune marin qui s’activait avec son anspect pour retenir une des pièces. Il aurait dû se faire tuer ; Tyacke s’était imaginé qu’il était passé par-dessus bord avec tous les autres cadavres. Mais lui-même était alors sourd et aveugle, il n’entendait que des cris. Ses propres cris.

Tandis que l’équipage se rassemblait à l’arrière, il sortit sa lettre de commandement et la déroula. Il voyait les hommes qui parlaient entre eux à voix basse, ceux qui avaient assisté à la scène et en faisaient le récit à leurs camarades. Le commandant couturé et le cuistot amputé.

Groupés derrière York, la plupart des officiers étaient trop jeunes pour comprendre, mais le maître pilote et le second savaient exactement de quoi il retournait.

Et lorsque Tyacke entama la lecture, ils se penchèrent tous deux pour écouter, comme si leur commandant, bien droit, donnait à cette cérémonie une signification particulière et un impact nouveau.

La lettre était adressée à James Tyacke, elle le nommait au commandement de L’Indomptable à compter de ce jour d’avril 1811. Pas très loin de l’endroit où, d’après la légende, Drake avait fait attendre la Flotte et les Espagnols pour terminer sa partie de boules.

« Vous mandons et requérons de vous rendre à bord de notre vaisseau aux fins d’en prendre le commandement ; de commander tous officiers et marins dudit L’Indomptable…»

Arrivé à cet endroit, Tyacke leva les yeux pour observer la masse des visages tournés vers lui. Le vieil Indom. Mais le vieux coq avait disparu. Peut-être était-ce son imagination, Troughton n’était qu’un fantôme revenu pour lui donner la force dont il avait besoin.

Puis ce fut terminé, avec la conclusion traditionnelle en forme d’avertissement. De menace, à son avis. Et aucun de vous ne faillira, sous peine d’en répondre à son propre risque et péril.

Il roula la lettre et conclut : « Dieu sauve le roi ! »

Pas un cri, pas une acclamation. En d’autres circonstances, ce silence aurait eu quelque chose d’oppressant.

Il remit son bicorne en place et leva les yeux vers la mâture, vers la tête du grand mât où l’on allait bientôt frapper pour la première fois la marque de Sir Richard Bolitho.

— Vous pouvez faire rompre, monsieur Scarlett. Je verrai tous les officiers dans mes appartements, d’ici une heure, s’il vous plaît.

Les silhouettes massées sous la dunette ne pensaient qu’à leur propre avenir, et non à leur bâtiment. Pas encore.

Et pourtant, malgré le silence qui régnait, Tyacke ressentait un grand soulagement, émotion qu’il ne connaissait que rarement.

Ce n’était pas sa Larne bien-aimée. C’était un nouveau commencement, pour lui comme pour le vaisseau.

 

Le lieutenant de vaisseau Matthew Scarlett gagna l’arrière, inspectant tout en chemin pour s’assurer que le bâtiment était impeccable, les filets de branle vides, tous les cordages lovés ou pliés en glènes. Lorsqu’il passait devant un sabord, il sentait une bouffée d’air frais. La coque, pourtant si puissante, était agitée de mouvements irréguliers.

Il avait entendu le maître pilote occupé à instruire quelques « jeunes messieurs » pendant le quart du soir. « Lorsque les mouettes volent bas le soir au-dessus des rochers, il fera mauvais temps le lendemain, et ne tenez pas compte de ce que vous racontera un mathurin un peu plus futé que les autres ! » Scarlett avait surpris deux aspirants échanger un regard dubitatif. Mais les mouettes avaient vraiment volé par le travers alors que l’obscurité enveloppait le vaisseau au mouillage. Isaac York se laissait rarement prendre en défaut.

Il dépassa la grande roue double, désarmée, et continua dans l’ombre. Un fusilier de faction se tenait sous le fanal qui dansait. On avait modifié L’Indomptable pour aménager deux grandes chambres à l’arrière, une pour le commandant et l’autre pour un officier général commandant une flottille ou une escadre.

Si Tyacke n’était pas arrivé, si Sir Richard Bolitho n’avait pas choisi d’y porter sa marque, l’une des chambres aurait pu être la sienne. Il rendit son salut au factionnaire et s’approcha de la portière.

Le factionnaire laissa tomber la crosse de son mousquet et hurla :

— L’officier en second, commandant !

— Entrez !

Scarlett referma la porte derrière lui. D’un coup d’œil, il avait tout noté.

Le souper de Tyacke l’attendait sur un plateau, intact. Le café qu’il avait demandé devait être froid. La table était jonchée de livres, de chemises de cartes et des notes qu’avait prises le commandant.

Scarlett revoyait les officiers, entassés les uns contre les autres dans la chambre où leur commandant les avait convoqués. Et dire que cela ne datait que du matin… Depuis, Tyacke avait dû passer en revue toutes les affaires du bâtiment.

— Vous n’avez rien mangé, commandant ? Voulez-vous que je vous fasse porter quelque chose ?

Tyacke leva les yeux pour la première fois.

— Vous étiez à Trafalgar, si je comprends bien ?

Scarlett fit signe que oui, un peu surpris par cette façon directe de s’adresser à lui.

— Oui, commandant. J’étais dans la colonne au vent, celle de Lord Nelson, à bord du Spartiate, un soixante-quatorze. Capitaine de vaisseau Sir Francis Laforey.

— Avez-vous connu personnellement Nelson ?

— Non, commandant. Nous l’apercevions assez souvent à bord de son vaisseau amiral, mais peu nombreux sont ceux d’entre nous à l’avoir vu de près. Lorsqu’il est tombé, beaucoup ont pleuré, comme s’ils l’avaient connu toute leur vie.

— Je vois.

Scarlett le regardait feuilleter un autre registre, il avait les mains brunies par le soleil.

— L’avez-vous rencontré vous-même, commandant ?

Tyacke leva les yeux de la table. A la lueur des fanaux qui se balançaient, ses yeux avaient l’air très bleus.

— Pas davantage que vous. Je ne l’ai aperçu que de loin.

Son regard se fit plus dur, il effleura ses cicatrices.

— Au combat d’Aboukir.

Scarlett attendit la suite. Ainsi, c’est là-bas que cela lui était arrivé.

Tyacke reprit brusquement :

— Je crois comprendre que le secrétaire du commis est également secrétaire du bord ?

— Oui, commandant. Nous manquions de monde, j’ai donc jugé bon…

Tyacke referma le registre.

— Les commis et les secrétaires sont un mal nécessaire, monsieur Scarlett. Mais il est parfois risqué de leur laisser trop de latitude dans la conduite de leurs affaires.

Il poussa le registre et en attrapa un autre dans lequel il avait laissé une plume en guise de marque.

— Désignez un aspirant pour ce genre de tâche, jusqu’à ce que nous ayons l’équipage au complet.

— Je vais demander au commis s’il…

Tyacke le regarda dans les yeux.

— Non, dites à Mr Viney ce que vous avez décidé de faire – un silence : J’ai également consulté le registre des punitions.

Scarlett se raidit, de plus en plus excédé par la façon qu’avait son commandant de le traiter.

— Oui, commandant ?

— Cet homme, Fullerton. Trois douzaines de coups de fouet pour avoir volé quelques broutilles à un camarade de poste ? Plutôt sévère, non ?

— J’ai pris cette décision, commandant. C’était sévère, mais la loi de l’entrepont est plus dure que le Code de justice maritime. Ses camarades l’auraient jeté par-dessus bord.

Il s’attendait à se faire reprendre, mais, étonnamment, Tyacke lui sourit.

— Moi, je lui en aurais collé quatre douzaines !

Il se retourna et Scarlett put examiner la moitié brûlée de son visage. Il me regarde comme s’il était le commandant, mais dans son for intérieur, chaque fois que quelqu’un l’observe, il doit être sur le gril.

Tyacke fit tomber quelques papiers sur la toile à damier du pont et dégagea une bouteille de cognac.

— Prenez deux verres.

Sa voix poursuivait encore le second tandis qu’il ouvrait un équipet. Il découvrit bien d’autres bouteilles, soigneusement rangées là. Il avait vu qu’on les hissait au palan, la veille. Il avança prudemment :

— Un fameux cognac, commandant.

— Le cadeau d’une dame.

Qui, en dehors de Lady Catherine, aurait pu se donner cette peine ? Qui y aurait seulement songé ?

Ils burent en silence. Le vaisseau grinçait autour d’eux, un vent humide faisait craquer les drisses. Tyacke reprit :

— Nous appareillerons demain à midi avec la marée. Nous tirerons au large avant de mettre le cap sur Falmouth, c’est là que Sir Richard Bolitho hissera sa marque à bord. Je suis sûr que Lady Catherine viendra avec lui.

Il devina plus qu’il ne vit l’étonnement de Scarlett.

— En conséquence, veillez à ce que l’équipage soit bien mis et à ce que l’on prépare une chaise de bosco pour cette dame.

Scarlett s’aventura un peu plus :

— D’après ce que j’ai entendu dire de cette dame, commandant…

Mais il vit que Tyacke se raidissait, comme s’il allait le réprimander. Il poursuivit :

— Elle pourrait monter à bord sans aide.

Tyacke hocha distraitement la tête. Tout d’un coup, c’était un autre homme.

— Elle en serait certes capable – il lui montra la bouteille : Autre chose. Demain, ce vaisseau portera le pavillon blanc et la flamme de guerre itou.

Il prit son verre et le contempla longuement.

— Je sais bien que Sir Richard est désormais amiral de la Rouge et, à ma connaissance, il a toujours navigué sous ce pavillon. Mais Leurs Seigneuries ont décrété que si nous étions amenés à combattre, ce serait sous le pavillon blanc.

Scarlett détourna les yeux.

— Comme nous l’avons fait à Trafalgar, commandant.

— Oui.

— Et pour votre maître d’hôtel, commandant ?

— Avez-vous une idée en tête ?

— Il y a bien ce chef de pièce, le dénommé Fairbrother. Un bon marin. Mais s’il ne vous convient pas, je trouverai quelqu’un d’autre.

— Je le verrai après le déjeuner.

La pluie battait contre les vitres de poupe.

— Ça va souffler demain, commandant.

— C’est encore mieux. J’ai examiné vos rôles de quart.

Il sentit immédiatement l’inquiétude renaître chez Scarlett. Un homme sensible à la critique, ou qui avait été injustement traité par le passé.

— Vous avez fait du bon travail. Pas trop de bras cassés dans une équipe ni de gens bien amarinés dans une autre. Mais, une fois que nous serons sortis de la Manche, je veux que vous mettiez tout le monde à l’école de manœuvre et à l’école à feu. Ce sont les hommes qui feront notre force, comme d’habitude.

Il se leva pour s’approcher des fenêtres de poupe, maintenant tachées de sel.

— Nous avons huit aspirants. Faites-les tourner – il faut qu’ils travaillent plus souvent avec les officiers mariniers. Il ne suffit pas de planter sa coiffure comme un amiral en demi-solde, ni d’avoir des manières policées à la table du carré. Pour les marins, ils doivent rester des officiers du roi, plaise à Dieu, et il leur faudra se comporter en conséquence. A propos, qui est chargé des signaux ?

— Monsieur l’aspirant Blythe, commandant.

Scarlett était tout étonné de voir à quelle allure le commandant pouvait sauter si rapidement d’un sujet à un autre.

— Il doit bientôt passer son examen d’enseigne.

— Est-il bon ?

Le second sursauta devant la brutalité de sa question, et il ajouta plus doucement :

— Vous n’êtes pas en cause, monsieur Scarlett. Vous devez vous montrer loyal envers moi et envers le bâtiment, dans cet ordre, mais pas envers les membres du carré.

Scarlett sourit.

— Il fait parfaitement son devoir, commandant. Je dois même dire que, au fur et à mesure que la date de l’examen approche, sa tête est de plus en plus sur le point d’exploser.

— Parfait. Autre chose. Lorsque la marque de Sir Richard sera frappée en tête du grand mât, souvenez-vous que je suis toujours le commandant. Sentez-vous libre de me dire ce que vous avez à dire, en toutes circonstances. Cela vaut mieux que de tout garder pour soi et de se transformer en brûlot sur le point d’exploser.

Il nota l’effet qu’avaient produit ses mots sur le visage franc et ouvert de Scarlett.

— Vous pouvez retourner à vos devoirs. Je suis sûr que le carré trépigne en attendant ce que vous allez raconter.

Mais c’était dit sans malice.

Puis il vit que Scarlett était toujours planté là à triturer sa coiffure.

— Autre chose, monsieur Scarlett ?

— C’est-à-dire, commandant… Il hésitait. Puisque nous allons devoir faire équipe, guerre ou pas, puis-je vous poser une question ?

— Si elle est sensée.

— Sir Richard Bolitho. Comment est-il, commandant… je veux dire, pour de vrai ?

Il crut d’abord qu’il était allé trop loin en poussant son commandant à lui faire des confidences. On sentait Tyacke pris entre des sentiments contradictoires. Il se mit à arpenter la chambre, ses cheveux frôlaient presque les barrots.

— Nous parlions de Lord Nelson, un véritable chef, courageux et inspiré. Un homme que j’aurais aimé connaître. Mais servir sous ses ordres… non, je ne crois pas.

Il savait que Scarlett l’observait, anxieux d’entendre la suite.

— Sir Richard, maintenant… – il hésitait en songeant au vin et au cognac que Lady Catherine lui avait fait livrer à bord. Il se sentit soudain irrité contre lui-même à l’idée de parler de leurs relations si particulières. Mais c’est moi qui l’ai poussé à lui livrer ces confidences – il reprit lentement : Je m’en vais vous dire une bonne chose, monsieur Scarlett. Je n’en servirais pas d’autre. A cause de ce qu’il est. Un homme – il s’effleura le visage sans y prendre garde : Il m’a rendu ma fierté. Et il m’a redonné l’espoir.

— Je vous remercie, commandant.

Scarlett gagna la portière. Plus tard, il se dit que le commandant ne l’avait même pas entendu partir.

 

James Tyacke fit le tour de sa vaste chambre avant de se regarder dans la glace suspendue au-dessus de son coffre de mer. Il l’effleura pendant une ou deux secondes, tâtant les rayures et les dentelures marquées un peu partout sur le cadre. Il se demandait comment avait fait cet objet pour survivre aussi longtemps. Et moi donc.

Le bâtiment était plus calme, après l’affairement et les préparatifs d’appareillage. Les sifflets donnaient encore, on entendait quelques ordres criés çà et là, mais pour l’essentiel, ils étaient parés.

Tyacke s’approcha des fenêtres de poupe et essuya les vitres d’un revers de manche.

Le vent soufflait en tempête, les moutons emplissaient les fenêtres. On ne voyait de la terre toute proche qu’une mince bande verte.

Il entendait dans le lointain le cliquetis du cabestan, les matelots se jetaient de toutes leurs forces sur les barres. Mais en bas, dans la chambre, c’était un paradis, une barrière entre le vaisseau et lui. Rien à voir avec la petite Larne, où tout le monde se marchait sur les pieds.

Scarlett allait arriver d’un moment à l’autre pour rendre compte qu’ils étaient parés. A n’en pas douter, il allait observer avec intérêt la façon de manœuvrer de son commandant, pour ce premier appareillage.

Tyacke était déjà monté sur le pont aux toutes premières lueurs de l’aube. Plymouth et le Sound scintillaient au-dessus du panorama mouvant que formaient les courtes lames sèches.

Il avait trouvé le pilote, Isaac York, près de l’habitacle, causant avec deux de ses adjoints. Les deux hommes s’étaient éclipsés en voyant arriver leur commandant, debout de si bon matin. Ils s’imaginaient peut-être qu’il se sentait nerveux, qu’il ne pouvait se résoudre à rester éloigné des marins qui s’activaient sur le pont et à l’arrière.

— Comment est le vent, monsieur York ?

York avait levé la tête vers les hauts, les yeux à demi fermés au milieu de leurs pattes-d’oie.

— Il reste bien établi, commandant, du nordet. Mais ça va forcir une fois que nous aurons paré la terre.

Il était sûr de lui. Un vrai marin de métier, encore capable d’apprécier que son commandant veuille bien le consulter.

Il avait ajouté, d’un ton presque égal :

— L’Indom est un bon voiler, commandant. Je n’en connais pas de meilleur. Il peut encore serrer le vent, même sous voiles de gros temps. Y’a pas beaucoup de frégates qui pourraient lui en remontrer.

Les yeux plissés, il regardait les petites silhouettes, on aurait dit des singes, qui travaillaient tout là-haut, au-dessus du pont.

— Sous voiles, il pourrait encore naviguer tout seul !

Un homme fier de son bâtiment et de ce que lui-même avait réussi à faire pour en devenir le maître pilote.

Tyacke sortit sa montre. Il était presque l’heure. En écoutant le cliquetis du cabestan, il arrivait à imaginer les marins qui luttaient pour remonter l’ancre. Un peu plus haut, des bruits de bottes ; les fusiliers qui armaient le château de poupe et qui se préparaient à larguer les voiles d’artimon et la grande brigantine lorsqu’on leur en donnerait l’ordre. Les marins prétendaient, avec une nuance de mépris, que c’était là le boulot des fusiliers, car le mât d’artimon était celui dont le gréement était le plus simple, et ils pouvaient donc s’en sortir.

Les piétinements se faisaient plus sourds sur le pont, Tyacke essayait d’identifier chaque bruit. On saisissait la drome sur les chantiers. Le canot avait été ramené à terre et remplacé par un canot vert foncé, celui de l’amiral. Il songea aux couleurs que l’on allait hisser ce matin. Le pavillon blanc allait flotter au vent. Nelson, à Trafalgar, avait été le premier amiral à combattre sous ces couleurs. Dans la fumée et la fureur d’une bataille navale, il était absolument vital que chaque commandant puisse distinguer amis et ennemis. A Trafalgar, le pavillon rouge, ou même le bleu, aurait présenté trop de danger, car les pavillons français et espagnols avaient des couleurs identiques, ce qui aurait conduit à des confusions et retardé les réponses aux signaux.

Il devina que Scarlett arrivait avant même que le factionnaire l’ait prévenu. Il faisait la comparaison entre lui et les deux officiers fusiliers, le capitaine Cedric du Cann et son adjoint, le lieutenant David Merrick. Des hommes qui ne discuteraient jamais ses ordres, quoi qu’il advienne. Peut-être valait-il mieux être comme eux. L’imagination est parfois une qualité dangereuse.

— Entrez !

Scarlett, sa coiffure sous le bras, ouvrit la portière et chercha des yeux le commandant. Était-ce pour essayer de se rassurer, ou pour essayer de combler les abîmes d’incertitude dans lesquels il était plongé ?

— L’ancre est virée à pic, commandant.

— Je monte.

Scarlett le regardait.

— Le pilote a tracé une route qui nous fait parer Nare Head, commandant.

— Je sais.

Scarlett vit le commandant jeter un dernier coup d’œil à sa chambre. Lui-même était monté sur le pont après avoir veillé tard dans la nuit au carré à bavarder et à échafauder diverses spéculations, jusqu’à ce que les autres soient fatigués. Sauf le commis, James Viney, qui l’avait tarabusté sur la décision du commandant de lui retirer son secrétaire. Scarlett commençait à se demander s’il n’avait pas quelque chose à cacher. On disait souvent que la moitié des auberges et des pensions des ports de guerre étaient la propriété des commis, ou qu’ils les fournissaient. Le tout aux frais du pays. Mais, une fois monté sur le pont, Scarlett avait aperçu de la lumière par la claire-voie de la grand-chambre. Ne lui arrivait-il jamais de dormir ou de prendre un peu de repos ? Cela lui était-il impossible ?

Tyacke le précéda dans la descente puis sur la dunette balayée par le vent. Une seconde lui suffit pour tout voir. Des matelots parés aux drisses et aux écoutes, les gabiers dans la mâture, disposés sur les vergues et qui se détachaient sur le ciel tels des nains.

Trois hommes armaient la roue ; York ne voulait pas prendre de risque. Les officiers, au pied des mâts, ressemblaient à des îlots bleu et blanc. Tous regardaient vers l’arrière et la dunette. Tyacke s’approcha de la lisse.

Il écoutait le bruit du cabestan, on entendait le faible son d’un violon, trop faible pour qu’il ait pu l’entendre de ses appartements. Blythe, l’aspirant des signaux, se tenait avec son équipe et, le visage sérieux, fixait son commandant.

Tyacke lui fit un signe du menton. Il imaginait sans peine qu’il avait la grosse tête. Puis il se tourna vers l’arrière. Les deux officiers fusiliers avec quelques-uns de leurs hommes dont les tuniques rouges brillaient dans les embruns. York, qui était toujours avec ses timoniers à la roue, leva les yeux et dit :

— Parés, commandant !

Tyacke aperçut une silhouette carrée en vareuse bleu marine, une canne à la main et faisant les cent pas le long des pièces bâbord. Sans doute Sam Hockenhull, le bosco, qui surveillait les nouveaux, lesquels étaient probablement au trente-sixième dessous d’avoir été arrachés à l’affection d’êtres chers pour aller Dieu sait où, et Dieu sait pour combien de temps. Derrière Hockenhull, il pouvait voir l’une des pattes levées de la figure de proue en forme de lion. Plus loin encore, Plymouth, masse confuse, et ce qui ressemblait au clocher d’une église.

Il traversa le pont, il sentait tous ces regards fixés sur lui, il les détestait.

— Nous avons deux bricks charbonniers par le travers bâbord, monsieur York.

Le pilote ne sourit même pas.

— Oui, commandant. Je les ai remarqués.

Tyacke le regardait :

— Je me suis laissé dire que si l’on entrait en collision avec un brick chargé, ce serait comme se payer la Grande Barrière.

Cette fois, York se laissa aller :

— C’est pas moi qui essaierai, commandant !

— L’ancre à pic, commandant !

Tyacke croisa les bras.

— Mettez en route, je vous prie.

— Parés au cabestan !

Les sifflets reprirent leur chanson de plus belle. Les rossignols de Spithead, comme disaient les marins.

— A envoyer les focs !

Hockenhull le bosco fouettait l’air de sa baguette.

— Toi, active-toi un peu ! Monsieur Sloper, prenez le nom de cet homme !

— Larguez les huniers !

C’était Scarlett, dont la voix puissante sonnait encore plus dans son porte-voix et qui essuyait les embruns qui lui tombaient dans les yeux.

— Du monde aux bras ! Monsieur Laroche, mettez vos gens du bord au vent quand nous éviterons !

Tyacke mit une main en visière pour examiner les focs qui claquaient violemment jusqu’à ce qu’on réussisse à les border. Puis il leva le regard vers les vergues de hunier où la toile marron n’en faisait qu’à sa tête. Le vent secouait les voiles comme pour précipiter les gabiers sur le pont.

Il observa la grand-vergue sur laquelle la toile était encore ferlée serré. De la dunette, on avait l’impression qu’elle était deux fois plus longue que celle de la Larne, cette vergue au bout de laquelle un ou deux négriers s’étaient balancés avant de rendre l’âme.

— Haute et claire, commandant !

Libéré de ce qui le retenait à la terre ferme, L’Indomptable s’ébroua sous la poussée du vent et l’action du safran. La mer arrivait presque aux sabords sous le vent tandis qu’il abattait, les voiles claquaient dans tous les sens. Puis, focs et huniers bordés, il commença à obéir. Quelques hommes glissèrent sur le pont et tombèrent, le souffle coupé, avant de se retrouver attelés aux bras, aidés ou sous les coups, selon le cas.

Tyacke vit les deux bricks défiler, on aurait dit que c’étaient eux, et non L’Indomptable, qui avançaient.

Il entendit des drisses gémir, leur nouveau pavillon jaillit à la corne, tout blanc sur le fond de nuages en colère.

— Gouvernez comme ça ! Venez sud quart sud-ouest !

Il s’avança sur le pont à la gîte, des hommes surgissaient partout sur les planches détrempées.

— En route sud quart sud-ouest !

— Une fois que nous aurons paré la pointe, ordonna Tyacke, nous enverrons la brigantine, monsieur Scarlett !

Il était obligé de hurler avec le vacarme des voiles et du gréement, les craquements des drisses et des enfléchures. Tous les cordages se tendaient sous la pression.

Scarlett porta la main à sa coiffure.

— Bien, commandant ! – il s’essuya le visage et dit dans un grand sourire : Quelqu’un nous fait des signes !

Tyacke s’approcha des filets pour essayer de voir quelque chose par-delà le clapot. C’était la Larne. Elle était au mouillage à présent, elle allait peut-être appareiller aujourd’hui même. Mais, non, ce n’était pas ça. Les hommes étaient alignés le long des vergues, d’autres se tenaient agrippés dans les haubans. Tous faisaient de grands signes et poussaient des vivats. Même le fracas qui régnait à bord de L’Indomptable ne parvenait pas à les couvrir.

Scarlett regarda avec grand intérêt Tyacke se découvrir et balancer lentement sa coiffure de haut en bas.

La moitié indemne de sa figure se trouvait de son côté, Scarlett fut pris de pitié en comprenant ce à quoi il assistait.

C’était un dernier adieu.

 

Au nom de la liberté
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